L'heure du bilan
- Karosan
- 3 juil. 2019
- 4 min de lecture
Il est presque temps de refermer le livre. Une année scolaire de plus qui se termine, j'ai presque envie d'ajouter...enfin !

Et voilà ma quatrième année en tant que professeur des écoles qui se termine. Je suis encore en surcharge cognitive et avec une fatigue chronique qui fait que mon corps est chargé d'adrénaline. Elle me fait tenir debout en journée et m'empêche de dormir la nuit. Je ne suis pas vraiment disponible pour écrire néanmoins c'est comme si c'était un devoir qui me permettrait ensuite d'être plus légère et plus libre.
Voilà la septième session de formation de ce DU qui s'achève. La culture. Cette courte semaine s'achève avec le sentiment une fois de plus de ressortir grandie. Une semaine de canicule avec peu de sommeil, beaucoup de fatigue accumulée mais je suis heureuse. Que de jolies connaissances acquises à nouveau sur la géographie, la botanique, la science.
Mais lors de cette dernière matinée, un évènement est venu troublé ma journée pourtant calme et studieuse. Nous sommes dans le cadre d'un cours de méthodologie sur l'écriture de notre mémoire de recherche. Notre formatrice très performante, fait de son mieux pour nous rassurer sur le fait que tout va bien se passer sur les trois années et qu'il est normal de se sentir déstabilisée à ce niveau de conception de notre mémoire.
Vient le moment où elle accepte enfin de nous recevoir individuellement pour nous faire un retour sur nos écrits, une quinzaine de pages pondues en deux jours à cause d'un manque de clarté dans les consignes et dans les délais.
Je me retrouve assise en face d'elle, elle fait quelques commentaires puis me dit : "je vous ai donc mis la note planchée de 10." C'est la seule chose dont je me souvienne de notre entretien.
Ensuite mon corps tout entier s'est crispé, je n'ai plus réussi à la regarder dans les yeux, les larmes ont commencé à couler, j'avais envie de me cacher. J'avais honte de moi, de mon travail; une fois ses commentaires terminés, je me suis enfermée dans les toilettes. J'ai 35 ans et je n'avais pas ressenti ce sentiment depuis l'enfance. Comme si j'allais être punie par mes parents d'avoir eu une mauvaise note. J'ai été sidérée par ma réaction face à sa remarque. J'ai voulu comprendre pourquoi cette phrase à réveiller en moi une émotion si intense. J'ai pleuré et pesté contre elle pendant une bonne demi-heure puis je me suis posée pour chercher à comprendre.
Quel besoin n'a pas été satisfait ? J'ai ressenti de l'injustice car j'ai eu la sensation de ne pas avoir été suffisamment accompagnée pour fournir un travail de qualité et malgré tout noté. J'ai ressenti un jugement personnel. J'ai ressenti de la médiocrité et cela m'a fait réagir sur le fait que je ne supportais pas l'idée d'être dans la médiocrité. Je ne saurais pas dire d'où est venue cette réaction et ce mal-être, je pense qu'il est profondément enfouit à l'intérieur de moi. Très probablement lié à des exigences familiales envers l'école. Mais il a tout de même réveillé une certaine colère envers l'école.
L'école ne prend pas en compte les différences (j'ai malheureusement beaucoup moins de temps que tout le monde avec une fille de 18mois à gérer en plus de tout le reste). L'école ne sait pas faire en sorte que les élèves construisent une bonne estime d'eux. L'école stigmatise les enfants par leurs faiblesses et ne sait pas les aider à se servir de leurs forces. Et cela depuis toujours et depuis la nuit des temps. Cela m'a mise en colère parce que je NE VEUX PLUS que l'école détruise d'autres enfants, comme je pense que cela a pu être le cas pour moi. J'ai une blessure qui m'a poussée à devenir professeur des écoles, à vouloir faire changer les choses et à ne pas me satisfaire d'un système qui pense que tout va bien depuis la nuit des temps et que ce sont les élèves qui sont d eplus en plus en situation de handicap. Le système éducatif actuel créé et renforce les situations de handicap. Je puise mon énergie dans cette colère pour construire une transition éducative. Un enfant doit construire son estime de lui et sa confiance en lui pour ne pas tomber dans le problème de l'égo qui ne cherche qu'à avoir raison et non pas à trouver une harmonie. je continue de réfléchir. je cherche à comprendre. Mais je ressens le besoin de dormir.
Ca y est l'école est finie. J'ai dit aurevoir à mes élèves hier. J'ai éprouvé un petit pincement au coeur et ils se sont chargés de me ramener à la réalité, ils étaient dans le moment présent. Dans la joie. Pas de projection à la rentrée prochaine, pas de tristesse puisque demain n'existe pas encore et que nous sommes là aujourd'hui, ensemble. Nous nous sommes fait un gros calin, parce que quand même ils ressentaient en effet une certaine tension qui émanait de moi sans doute. Donc finalement ,nous ne nous sommes pas dit aurevoir et comme me l'avait très bien dit un élève de CM2 lors de ma première année : je préfère te dire "à demain" parce que sinon c'est trop dur.
C'est ce que j'ai fait.
Encore une journée de concertation, une dernière semaine de formation et enfin le 12 juillet, je serai officiellement en vacances. Sur le papier !
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